⊱ “History will be kind to me for I intend to write it.” (winston churchil)
DOUZE JUIN DEUX MIL × L'INNOCENCE DE L'ENFANCE → « Maman, pourquoi tu pleures ? » Samuel regardait sa mère avec des yeux ronds. Ils étaient simplement en train de dîner. Son père n’était pas là, mais ils avaient l’habitude, il rentrait souvent très tard. Parfois, il ne rentrait même pas du tout. Ça, c’était lorsqu’il était de garde. Le petit garçon de dix ans qu’il était voyait son père comme un véritable héros. En effet, on pouvait le considérer comme tel puisque William Swanwick était pompier. C’était sans aucun doute de là que Sam tenait son envie de devenir comme son père. Il voulait devenir un homme bon, un homme qui aidait les autres, qui sauvait les autres même si cet autre était un ‘simple’ chat. Martha Swanwick avait les yeux rouges, les yeux gonflés. On aurait dit qu’elle pleurait depuis des heures. Elle avait appelé son fils pour le faire dîner. Il ne soupçonnait rien, habitué à ne dîner qu’avec sa mère. Silence.
« Maman ? » Un petit garçon innocent qui ne soupçonnait pas ce qu’il se passait. Sa mère posa sa main sur la joue de son fils.
« J’suis désolée, Sam. » Elle aurait voulu se montrer forte pour son fils mais c’était trop dur. La douleur était trop insupportable. Elle passa la main sur ses yeux, essayant d'effacer ses larmes mais c'était vain puisqu'elles coulaient sans discontinuer. Il était en âge de comprendre, comprendre que son père ne reviendra plus.
« C’est ton père, mon cœur. Il… il ne reviendra plus. » A dix ans, on comprenait ce que signifiait les expressions ‘ne plus revenir’ ou encore ‘partir’. Surtout lorsqu’elles étaient dites dans les larmes. Pourtant, Sam n’arrivait pas à le comprendre, ou plutôt il préférait ne pas comprendre.
« Il est en voyage, c’est ça ? » Il savait que c’était idiot, sa mère ne pleurerait pas si son père était simplement parti en voyage. Martha avait tenté de sourire devant l’innocence de son fils, elle aurait tellement voulu le préserver d’une telle douleur. Seulement, elle ne pouvait pas mentir, et elle ne le voulait pas.
« Non, il a été pris dans un feu pour sauver une petite fille de ton âge. » C’était la fin, le petit garçon avait perdu son innocence, le petit garçon pleurait pour la dernière fois. Il se l’était promis, c’était la dernière fois qu’il pleurerait. Il se l’était promis, il suivrait les traces de son père, il deviendrait comme lui, il serait lui.
▲ ▲ ▲ ▲JUIN DEUX MIL SIX × LA PLUS GRANDE DES SOUFFRANCES EST DE SENTIE SEUL, SANS AMOUR, ABANDONNE DE TOUS → « Lui, il peut pas le faire, il a pas de père, hein Sammy ? » C’était toujours ainsi lorsqu’il fallait faire quelque chose en rapport avec ses parents, en particulier son père. Tout le monde regardait Samuel avec un mélange de pitié et de compassion. Il n’avait pas de père lui. Sa mère était resté triste, elle ne voulait pas rencontrer d’autres hommes parce qu’elle savait. Elle savait que tous ces hommes n’égaleraient jamais son défunt mari. Ce jour-là, Sam était sorti de ses gonds. Il avait bondi de sa chaise, et avait fichu un coup de poing à ce type. Cette fois, ce n’était pas de la pitié, c’était de la moquerie et ça jamais il ne pourrait supporter qu’on se moque de la mort de son père. En outre, seul son père l'appelait ainsi. Il avait toujours été le garçon qu’on montrait du doigt parce qu’il n’était ni populaire, ni sportif. Il n’était pas non plus un intello. Il était juste un gars avec quelques amis. Ce jour-là, Samuel avait quitté le lycée avec tant de rage. Seulement, cette rage s’apaisa lorsqu’il la vit. Sans pouvoir l’expliquer, il fut presque aussi en colère contre les pestes qui humiliait cette fille que contre le gars qui s’était moqué de la mort de son père. Et Dieu seul savait à quel point la mort de son père l’avait touchée et le touchait encore.
« Tu devrais pas t’occuper de ces filles. » Samuel l’avait interpellée. Il n’était pas du genre timide, et puis il la connaissait de loin. Elle s’était arrêtée.
« Elles sont idiotes et ne pensent qu’à leurs pompoms. Tu ne devrais pas les écouter. » Non, elle ne devrait pas, elle était bien trop jolie pour leur envier quelque chose. Et sans aucun doute bien trop gentille puisque, jusqu’ici, elle ne leur avait pas répondu. Elle se retourna, et Sam esquissa un sourire. Ils se ressemblaient tous les deux.
« Lou-Armstrong, c’est ça ? » Il continuait de parler, comme si il voulait la rassurer, lui montrer qu’il était loin de vouloir se moquer, bien au contraire. C’était même tout l’inverse. Elle avait simplement acquiescé.
« Je suis Samuel, enfin, mes amis m’appellent Sam. » Enfin un sourire. Il en était ravi. Elle était encore plus belle quand elle souriait, il avait presque envie de le lui dire.
« J’aime beaucoup ton prénom, tu sais… » Il ne dit que cela. C’était vrai en plus. Il trouvait son prénom origine.
« J’ai vu que tu étais douée en littérature, j’ai un devoir à rendre pour demain … le dernier du trimestre et je ne voudrais pas avoir une sale note … tu m’accorderais ta soirée pour m’aider ? » Il faisait la conversation tout seul mais peu importait. Ça lui était venu d’un coup, en sachant, bien sûr, qu’elle était la meilleure en littérature.
« Je … d’accord. C’est le devoir qu’on devait rendre hier, non ? » Il entendait sa voix. Une jolie voix. Il rit légèrement à sa question. Il n’était pas vraiment le meilleur de sa classe.
« Miss Rhodes m’a donné deux jours supplémentaires. » Samuel n’avait pas pu faire ce devoir à temps, il avait eu un problème avec sa mère. Le jeune homme était loin de se douter qu’il allait découvrir la plus magnifique des personnes. Pourtant, quelque chose au fond de lui, une petite voix lui avait immédiatement dit qu’il venait de rencontrer la femme de sa vie. Ça n’avait jamais été aussi vrai de toute sa vie.
▲ ▲ ▲ ▲JUIN DEUX MIL NEUF × LE MIRACLE DE L'AMOUR, LE MIRACLE DE LA VIE → La dernière année. La fin du lycée. Samuel et Lou allaient enfin y échapper. Ensemble. C’était tout ce qui comptait pour le jeune homme.
« Lou, dès notre première rencontre, j’ai su que tu étais la femme de ma vie. On est peut-être jeunes mais j’veux qu’on se marie. Je veux que tu deviennes ma femme. Qu’est-ce que t’en penses ? » Il était sincère, dès le début, il avait su. Ça avait été comme une évidence. C’était elle. A son plus grand bonheur, elle avait immédiatement accepté. Alors que tout le monde fêtait la fin du lycée, les deux amoureux avaient préféré passer la soirée tous les deux. Ils étaient non loin de chez Samuel. Ils profiteraient pleinement de leur nuit en tant que fiancés et en tant que diplômés également. Seulement…
« J’ai envie de toi Sam, mais… » Main dans la main, il rentrait, le jeune homme était assez pressé de rentrer, de serrer la femme qu’il aimait dans ses bras, de la sentir contre lui. Pourtant, soudain, il n’était pas rassuré.
« Mais quoi ? Qu’est-ce que tu as ? » Lou-Armstrong lui faisait peur. Les secondes qui s’écoulaient lui semblaient des minutes. Il gardait le silence, attendant qu’elle parle.
« Je… Tu ne t’énerves pas surtout. » Bien sûr, il acquiesça d’un signe de tête mais il était de plus en plus impatient, de plus en plus perplexe. Qu’elle lui dise ce qu’il se passait une bonne fois pour toutes.
« Je ne sais pas comment c’est arrivé, enfin, si je m’en rappelle… Mais ce n’est qu’un détail… Sam, j’attends un bébé. Ton bébé. » Bébé. Le mot résonnait dans la tête de Samuel. Ils allaient vraiment avoir un bébé. Il sentit son cœur rater un battement. Il s’attendait à tout sauf à ça. Il l’a pris dans ses bras, il était tellement heureux. Il l’avait elle, et il allait être papa. Il réussit enfin à prendre la parole.
« Un bébé ! On va avoir un bébé ! Si tu savais comme je t’aime. » Il en était conscient. Jamais il ne pourrait aimer une autre femme comme il aimait Lou. Ce soir-là, il le lui avait prouvé. Il lui avait prouvé à quel point elle comptait pour lui, à quel point il avait besoin d’elle.
▲ ▲ ▲ ▲JUILLET DEUX MIL NEUF × ON NE CHOISIT PAS SES PARENTS → « On va avoir un bébé, m’man. » La réaction de sa mère fut immédiate. Mais pas du tout positif. Samuel ne s’attendait pas à ça mais la brûlure qu’il ressentit sur sa joue lorsque la main de sa mère s’abattit sur cette dernière était une preuve.
« C’est une blague ? » Le jeune homme sentit ses sourcils se froncer, il ne répondit rien.
« Et la fac alors ? Comment tu vas faire pour payer tout ça ? Il est hors de question que j’vous aide, tu m’entends mon garçon ? » Samuel n’en croyait pas ses oreilles. Il avait toujours soutenu sa mère, il avait toujours cru que si quelqu’un pouvait comprendre ce que c’était que le véritable amour c’était bien elle.
« On se débrouillera sans toi, ne t’en fais pas. Je prendrais un an. De toute façon, j’m’en fous de la fac’, j’veux devenir pompier. » Sam était froid, il avait immédiatement mis de la distance entre lui et sa mère. Il n’abandonnerait pas son rêve. Il allait devenir comme son père. Il était triste de voir que sa mère ne les soutiendrait pas, Lou et lui. Pourtant, sa mère appréciait la femme qu’il aimait. Mais, apparemment, quand on ajoutait un bébé à cette équation, ils devenaient des idiots. C’était fini. Sam s’était levé, et s’était dirigé vers la porte.
« Samuel. » Il n’en avait que faire de ce qu’elle dirait. Ils auraient cet enfant.
« Au revoir, maman. » Il n’avait plus envie de lui parler. Il allait construire sa famille sans elle. L’université, il s’en fichait. Il décida de prendre un an pour s’occuper du bébé à venir. Ensuite, peut-être irait-il à la fac’, il ne savait pas en quoi mais c’était une possibilité. L’important pour lui était de finir par devenir pompier. Et il sut qu’il avait fait la bonne décision lorsque leur fils, Maël, était né. Il était le plus beau des bébés, il ne regrettait pas du tout son choix. Il était la père le plus attentionné du monde. Lorsque Lou tomba dans le coma pendant un mois, il s'était occupé de son fils ainsi que de sa fiancée. Il avait tout fait pour que lorsqu'elle se réveille, sa vie reprenne son cours. Et c'était ce qu'ils avaient fait.
▲ ▲ ▲ ▲VINGT-DEUX JUILLET DEUX MIL TREIZE × IL SE PRODUIT PARFOIS DES MIRACLES QUE L'ON N'ATTENDAIT PLUS → Un an et quatre mois de silence. Un an et quatre mois de trou noir. Cela faisait un an et quatre mois que Samuel était dans le coma. Comme prévu, après un an à s’être occupé de son fils tout en travaillant en tant que pompier volontaire pour ramener des sous, il avait tenté d’aller à l’université. Mais il avait rapidement décroché, préférant se consacrer à son rêve qu’il touchait déjà du bout des doigts. Ce jour-là, il venait de savoir qu’il était enfin pompier professionnel, qu’il avait réussi leurs tests, lui qui n’était pas le grand sportif au lycée, il avait réussi. Il était si heureux lorsqu’il était monté dans sa voiture pour retrouver sa fiancée et son fils. Si heureux de pouvoir leur annoncer. Seulement, ce jour-là, une autre voiture décida de griller un feu, un seul malheureux petit feu. Samuel se prit la voiture de plein fouet. C’était violent. C’était grave. Il était en arrêt cardiaque. Les pompiers le réanimèrent. Il dut subir des opérations, de lourdes opérations. Au bout, ce fut simplement le coma. Juste du noir. Pour Sam. Et sans doute aussi pour Lou. C’en était fini de leur bonheur. C’en était fini de leur rêve de famille, et de mariage. Tout était perdu. Les médecins avaient perdu espoir, et ils allaient proposer à la jeune femme de débrancher les machines. Mais, parfois, les miracles se produisent lorsque l’on commence à ne plus avoir d’espoir.
« Lou ? » Il avait l’impression d’avoir la voix pâteuse, il avait l’impression d’être lourd, il n’arrivait pas à bouger. Où était-il ?
« Samuel ! » Non, ce n’était pas la voix de sa fiancée. Il ouvrit doucement et difficilement les yeux. Il ne réussit qu’à articuler deux mots.
« Lou. Maël. » C’était tout ce qu’il voulait. La femme qu’il aimait. Le fils qu’il aimait et protégeait comme la prunelle de ses yeux. Il avait peur. Il ne savait pas pourquoi il était là. Il ne savait pas depuis combien de temps il était là. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il voulait sa fiancée et son fils.
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